Nombreux sont les fantasmes sur le temps de travail des fonctionnaires, mais en réalité l’organisation du temps dans travail dans la sphère publique, est-ce si simple ? Continuité de service public, cadre réglementaire, rythmes d’astreintes pour certains… Il existe mille et une variable à réconcilier et qui ont chacune un impact réel sur sur l’équilibre des temps de vie (professionnel et personnel) des agents opérationnels. Ceux là même qui assurent notre santé, notre sécurité, la propreté de nos espaces publics, la qualité de l’eau qui coulent dans nos robinet. Une situation qui tourne souvent au casse-tête y compris pour les managers et les débats finissent, parfois, à couteaux tirés.
Alors, pour démystifier ce sujet complexe en apparence, on vous raconte notre expérience d’accompagnement d’une collectivité locale. Son principal problème ? La réorganisation du temps de travail d’une partie de ses agents, soumis à un rythme d’astreintes pour un service public continu (7j/7 – 24h/24). Notre objectif ? Réussir à comprendre la réalité du terrain et trouver des réponses aux problématiques de toutes les parties impliquées.
Explications de notre méthode en 5 étapes illustrées.
Etape 1 : Comprendre les règles du jeu
L’État définit l’astreinte comme : “une période pendant laquelle l’agent, sans être sur son lieu de travail, doit pouvoir intervenir si son administration lui demande. La période d’astreinte peut donner lieu à indemnisation ou récupération sous la forme d’un temps de repos compensateur.”
C’est bien beau, mais dans les faits, qu’est-ce que ça veut dire ?
L’agent est d’astreinte et est sollicité pour intervenir. Il est donc indemnisé pour son temps d’astreinte et pour le temps d’intervention, c’est-à-dire le nombre d’heures travaillées. |
L’agent est d’astreinte mais n’est pas sollicité pour intervenir. Il est indemnisé pour son temps d’astreinte. |
Concrètement, comment cela s’organise ? Le cadre réglementaire qui s’applique impose un certain nombre de règles et d’obligations, pour l’employeur et l’agent.
Ce que l’agent doit à la collectivité
Ce que la collectivité doit à ses agents
À ces règles juridiques plutôt claires, il faut ajouter un cadre de contraintes qui n’a, certes pas de caractère légal, mais qui est nourri des attentes des usagers, des agents et du contexte plus global de la transformation de l’administration.
Etape 2 : Comprendre que tout n’est pas si simple : la théorie vs. la pratique
La combinaison et la superposition de l’ensemble de ces règles créent des situations contradictoires, et en apparence insolubles. Nous vous avons listé trois scénarios casse-tête qui illustrent bien ces dilemmes :
Cas A : l’emploi du temps infernal
La situation : l’agent d’astreinte part en intervention au milieu de la nuit, de 23h à 1h du matin.
Là où ça coince : l’agent doit bénéficier de 11 heures de repos consécutives. Comment les organiser ?
En théorie : il suffirait pour l’agent de reprendre le travail le lendemain à midi, 11 heures après la fin de son intervention.
Pourquoi ce n’est pas possible : dans la pratique, les temps d’astreintes et les interventions possibles se superposent à un temps de travail régulier, en journée, à horaires fixes, pour lequel les managers organisent un planning d’activité. Difficile donc de s’organiser et d’anticiper les tâches à effectuer et la répartition des missions quand les horaires des agents risquent de varier chaque jour.
Cas B : le remplacement impossible
La situation : sur son temps d’astreinte, l’agent a réalisé plusieurs missions et a atteint le seuil maximum des 48h de travail hebdomadaires. Mais, une nouvelle intervention se déclenche.
Là où ça coince : l’agent doit passer le relai pour ne pas dépasser le seuil maximal de temps de travail.
En théorie : l’agent reste chez lui et est remplacé par un de ses collègues qui n’a pas encore dépassé le temps hebdomadaire.
Pourquoi ce n’est pas possible : Les problématiques d’attractivité de l’emploi dans la fonction publique et les lourdeurs administratives en matière de recrutement font qu’il existe souvent un fossé entre les effectifs « possibles » et les effectifs réels. Dans un service à effectifs réduits, le rythme d’astreinte est soutenu. Le remplacement au pied levé des agents ayant atteint leurs 48 heures de travail effectif hebdomadaire implique une disponibilité encore plus forte du reste de l’équipe, et un rythme d’astreinte qui ne laisse plus de temps de repos suffisant.
Cas C : tout va pour le mieux… en apparence seulement !
La situation : l’agent est sollicité tous les soirs en astreinte pour une intervention d’une heure. Il respecte toutes les contraintes réglementaires, dispose de ses 11 heures de repos quotidien, ne perturbe pas l’organisation de l’activité régulière et ne dépasse pas les seuils maximums légaux.
Là où ça coince : a priori, nulle part.
La solution de facilité : ne rien faire !
Pourquoi ce n’est pas possible : être d’astreinte ne signifie pas seulement être disponible et intervenir lorsque c’est nécessaire. Pendant leur semaine d’astreinte, beaucoup d’agents déclarent que leur sommeil est perturbé (par peur de ne pas se réveiller), que l’organisation de leur vie de famille devenait complexe (incapacité d’anticiper sa disponibilité) et leur week end contraint (incapacité de se déplacer).
En somme, une semaine d’astreinte, même sans aucune intervention, leur impose une charge mentale, de la fatigue, du stress, sans que cela ne puisse être pris en compte dans l’équation.
Etape 3 : Modéliser les scénarios possibles
En allant sur le terrain et en discutant avec les trois parties impliquées (pour rappel : l’Etat, les managers des collectivités et les agents), une seule réponse apparaissait : qu’il n’y en avait pas une, mais un millier. ll fallait donc adapter notre méthode de travail. En clair, abandonner l’approche généraliste pour entrer dans une logique du détail.
Nous menons donc ce travail de fourmi et modélisons tous les cas complexes, en superposant l’ensemble des règles à la réalité des pratiques et de l’organisation. Par le biais de techniques de facilitation, qui permettent de représenter de manière lisible des schémas d’organisation extrêmement complexes, nous avons pu révéler et objectiver les vrais points de douleur.
De cette manière, chacune des parties impliquées est en mesure de comprendre les contraintes de l’autre, et cette période de « retranscription de la réalité sur le papier » contribue à défaire les fantasmes et les injustices imaginées.
Etape 4 : S’entendre sur l’univers des possibles et on dessine des solutions
Une fois détecté ce qui ne vas pas, nous travaillons avec les agents et leur manager pour tester de nouvelles approches (voilà ce qu’il faut résoudre). Chaque hypothèse questionne non seulement le respect du cadre règlementaire, mais également la capacité de l’organisation et du management à soutenir de nouveaux rythmes de travail.
Étudier les scénarios à 360° permet à la fois de tester toutes les hypothèses mais aussi de prouver que certaines solutions « simples » en apparence ne sont finalement pas réalistes, ou viables.
Cet exercice de projection directe des hypothèses dans la réalité met à l’épreuve du quotidien chaque nouvelle règle possible. Et c’est notamment grâce à ces échanges libres et foisonnants que des solutions possibles et partagées commencent à se révéler.
Etape 5 : Faire bouger les curseurs
Une fois les scénarios modélisés et soumis à l’épreuve du quotidien, un nouveau cadre de règles se dessine, enfin. À ce stade, il est encore imparfait, mais notre méthode leur donne toutes les cartes en main pour continuer à s’améliorer. Agents et managers opérationnels, au cœur des séances de modélisation et de prototypage, sont désormais convaincus de la démarche et des propositions.
Les 3 clés de la réussite :
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Une méthode presque mathématique pour planter le décor de façon factuelle et mettre tous les acteurs d’accord quant à l’existant et le cadre de contraintes.
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Des représentations très pédagogiques de la réalité (graphiques, schémas, dessins, parcours, etc.) pour faciliter la transmission des messages et la compréhension par tous.
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La co-construction par itération, qui a établi un climat de confiance et de transparence. C’est ce qui nous a permis de dégager des scénarios concrets, applicables et impactant positivement le quotidien des agents.
Chez ConvictionsRH, nous prônons un conseil engagé. Cela signifie notamment s’engager avec vous, comprendre vos attentes et vos besoins mais aussi savoir, quand il faut jeter les plans définis pour créer de nouvelles façons de travailler. Découvrez nos offres.