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Je pense qu'un bon décideur se distingue par sa capacité à devenir progressivement si prévisible et compréhensible que les collaborateurs savent exactement ce qu'il attend d'eux. Cela vient de la cohérence de son action et de la constance de sa vision.

Tous les mois, nous partons à la rencontre d’un décideur RH. Découvrez son parcours, les mille facettes de sa personnalité, ainsi que sa vision de la fonction RH, au travers d’un portrait empreint d’humanité et d’authenticité. Stéphane Dubois, diplômé en droit social et en ressources humaines du CELSA, a entamé sa carrière professionnelle chez Dassault entre 1992 et 1994. Il a ensuite rejoint Pechiney, occupant d'abord le poste de directeur des ressources humaines de la filiale INVENSIL, puis celui de directeur global de la gestion des talents et des rémunérations. Son expertise l'a conduit ensuite chez Rio Tinto Alcan, où il a été nommé directeur global de la gestion des talents et du développement RH. Il a également assumé la vice-présidence des filiales Food Packaging Europe et Alcan Packaging jusqu'en 2010. Par la suite, au sein de la Société Générale, il a occupé le poste de DRH pour plusieurs entités. Depuis 2019, il occupe le poste d'Executive VP, chargé de la direction des responsabilités humaines et sociétales chez Safran, l’un des leaders mondiaux de l'aéronautique. Portrait d’un décideur visionnaire, reconnu pour sa faculté à innover et à fédérer ses équipes face aux défis sociétaux et environnementaux actuels et à venir.

 

Pourquoi les RH ?

Ma passion pour les ressources humaines s’est révélée au cours de mes études lorsque j’ai découvert le droit social. Mon engagement pour ce domaine trouve également ses origines dans mon enfance, passée dans le Nord de la France, une région durement touchée par les fermetures d’usines sidérurgiques. Les difficultés rencontrées par les habitants de cette région ont profondément influencé ma vision du monde et ont laissé une marque indélébile sur ma conscience sociale.

 

Est-ce cette vision qui vous a incité à choisir le titre de directeur des responsabilités humaines et sociétales ?

Exactement. Nous ne devons pas simplement percevoir les ressources humaines comme un capital humain, comme c’est souvent le cas. Je crois fermement que l’entreprise doit assumer ses responsabilités non seulement envers ses collaborateurs, mais aussi envers l’ensemble de son écosystème. Cela inclut les fournisseurs, les clients et toutes les parties prenantes qui interagissent avec elle. L’engagement sociétal de l’entreprise est fondamental et doit être au cœur de sa stratégie. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de renommer la fonction de DRH en « direction des responsabilités humaines et sociétales ». Ce changement de titre reflète notre engagement et notre volonté de prendre activement part aux enjeux sociétaux actuels.

 

Quelle est votre plus grande fierté professionnelle ?

Je pense que cela remonte à la crise du Covid. À ce moment-là, chez Safran, nous avons anticipé la mise en place de l’activité partielle de longue durée avant même la promulgation des ordonnances correspondantes. Cela a permis d’éviter les licenciements massifs que d’autres entreprises françaises ont dû envisager. Par le biais de cette initiative, nous avons protégé 45 000 emplois en France et inspiré également d’autres entreprises à adopter des mesures similaires.

 

Le principal défi RH actuel selon vous ?

Le défi le plus pressant est sans aucun doute celui de disposer des ressources, les mieux formées possible, pour gérer ou plutôt faciliter l’adaptation aux nouveaux métiers. La transformation digitale, entre autres, redéfinit profondément les professions. À cela s’ajoutent d’autres mutations, comme la décarbonation, qui transforment radicalement notre secteur. 

Ces évolutions transforment les méthodes de travail et les outils de production. Face à ces changements, nos collaborateurs ont besoin de se former continuellement pour s’adapter. Chez Safran, nous investissons massivement dans la formation. Cela témoigne de notre engagement envers le développement des compétences, indispensable pour répondre à ces évolutions.

 

L’aspect de vos missions qui vous procure la plus grande satisfaction ?

Ce que je trouve le plus gratifiant, c’est d’innover et de penser différemment. Par exemple, l’année dernière, nous avons instauré un accord sur la parentalité, qui aborde des sujets comme l’interruption spontanée de grossesse et les différentes formes de parentalité. C’est passionnant, car cela correspond tout à fait aux enjeux sociétaux actuels. Les collaborateurs arrivent avec les transformations de la société et ont besoin de trouver une entreprise qui réponde de manière cohérente à ces évolutions. 

 

Le personnage de fiction qui incarne le mieux la fonction RH ?

Je ne pense pas à un personnage de fiction en particulier, mais à un livre que j’affectionne tout particulièrement : « Des hommes justes« , écrit par Ivan Jablonka. Ce n’est pas un récit héroïque mais une étude sociologique. Si je devais choisir un idéal, ce serait l’image de l’homme juste. J’aime l’idée d’intégrité qu’il représente. Ce n’est pas un super-héros, mais son humanité et sa justice me touchent. 

Personnellement, je me vois plutôt comme un membre d’un groupe de jazz, peut-être d’un quintet ou d’un trio, où chaque musicien joue sa partition pour permettre aux autres de briller. L’exemple qui me parle le plus vient de l’histoire du jazz. En 1961, le pianiste Bill Evans a créé avec son trio, composé d’une contrebasse, d’un piano et d’une batterie, un moment unique où chacun de ses membres avait autant d’importance que le leader. Ce fut un moment révolutionnaire. J’admire cette humilité, cet équilibre et cet esprit collectif. Pour moi, c’est cela qui constitue la véritable force des grandes organisations.

 

La différence entre un bon et un excellent décideur RH ?

Je pense qu’un bon décideur se distingue par sa capacité à devenir progressivement si prévisible et compréhensible que les collaborateurs savent exactement ce qu’il attend d’eux. Cela vient de la cohérence de son action et de la constance de sa vision. Il sait également articuler le court terme avec le long terme. Chaque décision prise doit être envisagée avec des conséquences sur trois à cinq ans. C’est une caractéristique clé de ce métier car se concentrer uniquement sur le court terme peut souvent conduire à des échecs à moyen terme.

 

Si c’était à refaire, les RH encore et toujours ? 

Absolument. Je n’ai jamais envisagé de changer de voie. Je considère cela comme une grande chance car faire un choix de carrière à 20 ans n’est pas anodin. De plus, beaucoup de mes engagements prennent racine dans mon enfance, ce qui a tracé un fil conducteur clair tout au long de ma carrière dans les ressources humaines.

 

Bio

  • Depuis 2019 : Executive VP, Head of Human Resources chez Safran
  • 2015-2019 : Head of Human Resources – Banque de Détail en France chez Société Générale
  • 2013-2015 : Head of Human Resources – International Banking & Financial Services chez SG
  • 2011-2013 : Head of Human Resources – International Retail Banking chez Société Générale
  • 2010-2011 : Senior Vice President Human Resources chez Alstom Grid
  • 2009-2010 : Vice Président Human Resources – Alcan Packaging chez Rio Tinto Alcan
  • 2006-2009 : Vice Président Human Resources – Food Packaging Europe chez Rio Tinto Alcan
  • 2004-2006 : Director Global Talent Management & HR Development chez Rio Tinto Alcan
  • 2001-2003 : Director Globale Talent Management & Compensation chez Pechiney
  • 1998-2001 : Director Human Resources chez INVENSIL
  • 1994-1998 : Plant Human Resources Manager chez Pechiney Ferroalloys
  • 1992-1994 : Spécialiste en droit du travail chez Dassault
  • 1993-1994 : Master 2 – HR Management, Human Resources au CELSA
  • 1992-1993 : Master 2 droit social à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne