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Un DRH a souvent le privilège de pouvoir dire au dirigeant des choses qu’il ne souhaite pas toujours entendre. En ce sens, le DRH du futur devra avoir la capacité de porter au plus haut ses convictions, sa vision à long terme, quitte à être en avance sur le temps de l’entreprise pour mieux l’y préparer.

Tous les mois, nous partons à la rencontre d’un décideur RH. Découvrez son parcours, les mille facettes de sa personnalité, ainsi que sa vision de la fonction RH, au travers d’un portrait empreint d’humanité et d’authenticité. Dès le début de sa carrière en 1986, Thierry Raulin intègre la SAT (aujourd’hui SAFRAN) en tant que responsable de formation et de communication interne. De 1990 à 1993, il dirige la DRH du Centre Nord Saint-Denis aux NMPP (aujourd’hui PRESSTALIS). Puis, il endosse le rôle de DRH chez Comptoirs Modernes - Économique de Rennes (CMER) au sein de Carrefour Supermarchés jusqu'en 1998. Il évolue ensuite en qualité de DRH France au sein de Carrefour Supermarchés avant d’être expatrié en Turquie pour développer l’activité supermarchés. Depuis 2006, il est Vice-Président Human Resources France and International HR projects chez JCDecaux. Portrait d’un décideur énergique et résilient, doué pour innover dans des projets d’envergure et pour gérer avec finesse les relations sociales.

 

Pourquoi les RH ?

À 18 ans, faire un choix d’orientation décisif n’est jamais une mince affaire. Je me souviens que mes rêves se dessinaient entre une carrière de tennisman et celle de chanteur (!). J’ai finalement été poussé par la vision de mon père et me suis dirigé vers une école d’ingénieurs. Toutefois, une fois diplômé, j’ai vite réalisé que l’électronique, la résistance des matériaux ou encore la géométrie analytique ne suscitaient pas chez moi la passion escomptée.

Alors, quand l’opportunité s’est présentée, j’ai été intrigué par un DESS RH nouvellement inauguré à Paris Dauphine. Être le seul ingénieur au milieu d’une promotion composée exclusivement de juristes, d’étudiants de Sciences Po et de futurs énarques a représenté un défi de taille. Cette double compétence, rare à l’époque, m’a ouvert des portes inattendues.

J’avais postulé pour un poste d’ingénieur mais lors de l’étape finale, le DRH, un homme au fort charisme, m’a fait une offre audacieuse : rejoindre son équipe RH et prendre en charge la formation et la communication interne. J’ai sauté le pas sans hésitation et n’ai jamais eu de regrets. Les relations humaines ne sont-elles pas à la base de tout ? !

 

Votre plus grande fierté professionnelle ?

L’une de mes fiertés chez JCDecaux a été de forger, sur la durée, une équipe DRH dynamique, au cœur de la transformation de l’entreprise. Cette équipe a non seulement impulsé de nouvelles actions, mais aussi incarné le changement. Je pense, entre autres, à notre plateforme de digital learning, déployée à la fois en France et à l’international. Elle nous a permis d’essaimer sur toutes nos géographies (plus de 80 pays) des bonnes pratiques et d’établir un socle commun de savoir-faire. Elle a également donné la liberté à nos filiales de créer leur propre contenu local.

 

Un événement qui a marqué votre vie professionnelle ?

Lors de la méga fusion entre Carrefour et Promodès, j’ai proposé de simplifier la structure en créant Carrefour Supermarchés France (CSF) pour remplacer la dizaine d’entités juridiques qui constituait alors la branche supermarchés, chacune avec sa propre convention d’entreprise. Pour vous donner une idée, la branche Supermarchés France représentait environ 65 000 salariés, majoritairement dans des magasins intégrés. Mon projet était de les intégrer sous une seule entité juridique avec une nouvelle convention d’entreprise.

Pour faire face à ce défi colossal, j’ai choisi de m’entourer d’une équipe de jeunes collaborateurs. Ma direction générale exprimait des réserves, suggérant que j’opte pour des cadres plus expérimentés. Ma conviction était qu’un collaborateur ayant déjà affronté un tel challenge pourrait être fourbu d’avance par l’ampleur de la tâche et les obstacles qu’il anticiperait. J’ai décidé de miser sur la jeunesse. Un choix qui s’est avéré payant. À défaut donc d’avoir déjà l’expérience d’une telle transformation, notre énergie, notre enthousiasme, notre audace et notre engagement nous ont portés. À l’issue du projet, notre sentiment était comparable à celui d’avoir gravi « notre Himalaya en espadrilles » !

Finalement, deux ans et demi d’un travail intense et complexe, ponctué par des négociations hebdomadaires avec les syndicats. Pourtant, à l’issue de ce marathon, pas un seul conflit social, 15 accords conclus, dont la plupart à l’unanimité, et le respect total des éléments financiers du projet. Évidemment, il n’était pas question de s’aligner sur le mieux-disant, mais de repenser entièrement le statu quo, de remettre en cause certaines dispositions tout en proposant des innovations sociales.

 

Quelle serait votre devise professionnelle ?

J’ai quatre principes qui guident mon approche. D’abord, j’affectionne cet adage : « Là où il y a la volonté il y a un chemin » car je suis convaincu que quand on veut vraiment quelque chose, on l’obtient. Seul ou en équipe.

Le second principe auquel j’adhère est : « Ne faites pas aux autres ce que vous n’aimeriez pas que l’on vous fasse ». Si nous réfléchissions davantage en se mettant à la place de l’autre, nous éviterions nombre d’erreurs managériales.

La troisième est le « défaut gagnant ». Pour moi, c’est un mélange de résilience, d’énergie, de positivisme et de rebond puisqu’il s’agit de transformer une erreur, un échec, une mauvaise nouvelle en quelque chose de positif, voire de faire ainsi mieux que si cela avait été bien fait directement.

Enfin, les 4 accords Toltèques sont au cœur de ma philosophie. Si ces principes étaient adoptés et pratiqués en entreprise, je crois que notre environnement professionnel s’en trouverait grandement enrichi.

 

Le défaut que vous essayez de cacher ?

Je suis parfois emporté par mon élan à tel point que je vais parfois trop vite. Ce n’est pas par impatience, mais plutôt par une réelle envie de progresser et d’obtenir des résultats. Quant à l’écoute, j’avoue qu’elle peut être sélective, en fonction de mon intérêt pour le sujet. Toutefois, je travaille activement à m’améliorer !

 

Le personnage de fiction qui incarne le mieux la fonction RH ?

Je ne me tournerais pas vers un personnage de fiction mais plutôt vers une personnalité. Le Dalaï-Lama a dit un jour : « Lorsque tu parles, tu ne fais que répéter ce que tu sais ; mais lorsque tu écoutes, tu apprends quelque chose de nouveau. »

 

Le DRH du futur selon vous ?

Un DRH a souvent le privilège de pouvoir dire au dirigeant des choses qu’il ne souhaite pas toujours entendre. En ce sens, le DRH du futur devra avoir la capacité de porter au plus haut ses convictions, sa vision à long terme, quitte à être en avance sur le temps de l’entreprise pour mieux l’y préparer.

Il a la capacité de décrypter le monde qui l’entoure, d’apprendre des autres ce qui pourrait être anticipé et de trouver des solutions individuelles et collectives pour faire réussir l’entreprise sur le plan économique et humain. L’entreprise n’est pas propriétaire de ses talents, le salarié n’est que locataire de son emploi. Le DRH n’est surtout pas le syndic de l’immeuble mais il doit contribuer grandement à l’harmonie du corps social.

Enfin, il doit savoir rester à sa place. Les vagues ont besoin des rochers pour s’élever davantage, être un rocher pour un breton comme moi, c’est très honorable, gratifiant.

 

Si c’était à refaire, les RH encore et toujours ?

Honnêtement, je ne peux pas dire. En tant que DRH, je suis comblé. J’ai eu la chance de travailler avec des dirigeants inspirants et à l’étranger en tant qu’expatrié dans des fonctions opérationnelles, et ma vie est remplie d’autres passions. Je crois sincèrement qu’on finit par aimer ce que l’on fait quand on y réussit. En ce sens, tout métier aurait pu me convenir.

 

Bio

  • Depuis 2006 : Vice-Président Human Resources France and International HR projects at JCDecaux
  • 2005-2006 : DO Supermarchés Turquie chez Carrefour Turkey
  • 2000-2005 : DRH France chez Carrefour Supermarchés
  • 1998-2000 : DRH et Directeur Marchandise (CMPG) chez Carrefour Supermarchés
  • 1993-1998 : DRH – Comptoirs Modernes – Economique de Rennes (CMER) chez Carrefour Supermarchés
  • 1990-1993 : DRH Centre Nord St Denis chez NMPP
  • 1986-1990 : Responsable formation et communication interne chez SAT

 

  • 2004 – Master INSEAD (promotion Carrefour)
  • 1985-1986 : DESS Ressources Humaines – Relations sociales et industrielles à l’Université Paris Dauphine – PSL
  • 1985 : Diplôme d’ingénieur électronicien à l’ESME

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