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Les relations sociales reposent sur la confiance, et celle-ci se bâtit sur le respect de la parole donnée. Les organisations syndicales savent pertinemment que si je leur fournis une réponse, celle-ci sera un "oui" ou un "non" franc et massif.

Tous les mois, nous partons à la rencontre d’un décideur RH. Découvrez son parcours, les mille facettes de sa personnalité, ainsi que sa vision de la fonction RH, au travers d’un portrait empreint d’humanité et d’authenticité. Docteur en droit social et diplômé d’un executive MBA de l’ESSEC Business School en 2008, Laurent Gasse réalise ses premiers pas professionnels dans l'industrie du tabac, en tant que chargé d'études juridiques et sociales au sein de la SEITA. Avant de rejoindre le Groupe ADP, il assume divers rôles, allant des responsabilités RH aux domaines juridiques et financiers chez ETERNIT, après avoir été adjoint au responsable RH au sein de l’APAVE. En 2015, il intègre le groupe Soufflet, un acteur agroalimentaire aux nombreuses antennes. A la tête de la DRH du Groupe ADP depuis 2021, Laurent Gasse révèle avec pragmatisme comment il a su tirer profit de ses multiples expériences au sein de cinq secteurs d'activité et modèles de gouvernance, tous très distincts.

 

Pourquoi les RH ?

Mon entrée dans le domaine des ressources humaines s’est faite de manière fortuite. Durant mes années étudiantes, le service militaire était une étape incontournable. Doté d’une formation juridique, j’avais obtenu un DEA en droit des affaires. C’est durant cette période de service militaire que j’ai décidé d’enrichir mes compétences juridiques en obtenant un DESS en droit du travail et en gestion des ressources humaines. A l’époque, le taux de chômage chez les jeunes avait grimpé à 25% entre 1995 et 1996. Dans cette optique, j’ai pensé, peut-être un peu naïvement, que cumuler deux formations faciliterait ma recherche d’emploi. Puis, j’ai tenté ma chance en envoyant près de 800 lettres manuscrites en moins de quatre mois. La coïncidence a voulu que trois entreprises me contactent la même semaine, et par un heureux hasard, j’ai décroché un poste en tant que chargé d’études juridiques et sociales au sein d’une direction RH. La fonction m’a séduit par la suite.    

 

Votre plus grande fierté professionnelle ?

Si je devais n’en sélectionner qu’une, ce serait lorsque des salariés viennent me voir après avoir été licenciés pour des raisons économiques. Ils me remercient, non pas pour cette situation de licenciement toujours douloureuse et traumatisante mais pour l’accompagnement que nous avons pu leur offrir tout au long de ce processus difficile. Ils ont pu retrouver un emploi, se réorienter professionnellement et surtout, se sentir accompagnés et en sécurité. Malheureusement, dans les moments où les plans sociaux sont incontournables, notre objectif est de minimiser les conséquences néfastes. Cela implique d’offrir des options de réorientation professionnelle et des formations de longue durée. Savoir que certains d’entre eux ont pu retrouver un emploi similaire est une profonde source de satisfaction. 

C’est sans doute l’accomplissement dont je suis le plus fier, car cela signifie que même si l’on ne peut pas toujours satisfaire tout le monde, certains reconnaissent les efforts déployés par l’équipe des RH en leur faveur.

 

Votre pain noir et votre pain blanc de décideur RH ?

J’aime particulièrement tout ce qui concerne les négociations sociales. Celles-ci représentent en réalité un double défi. D’abord, il s’agit de négocier avec votre manager et votre président. Une fois cette première phase accomplie, vous vous retrouvez face aux organisations syndicales pour présenter le projet de l’entreprise. Cela déclenche alors une autre négociation, tout en restant centrée sur le même sujet. Tout cela peut générer un mélange d’adrénaline, de satisfaction et de défis qu’il ne faut pas sous-estimer. C’est une expérience réellement stimulante où nous devons savoir faire preuve de persuasion pour encourager les différentes parties prenantes à progresser. Il s’agit de trouver l’équilibre entre les intérêts de l’entreprise, des collaborateurs et des organisations syndicales. 

Concernant mon pain noir, il est parfois frustrant de constater que certains managers ne prennent pas leurs responsabilités et rejettent systématiquement la faute sur la DRH. C’est probablement l’aspect le plus difficile à gérer. La DRH n’est pas responsable de tous les maux. Il ne faut pas oublier que le premier représentant des ressources humaines est le manager lui-même. Bien qu’ils ne soient pas nombreux, certains managers manquent de courage managérial et évitent de prendre leurs responsabilités.

 

Quelle serait votre devise professionnelle ?

Elle est des plus simples : “Le pire n’est jamais sûr.” Mes équipes vous diraient que je répète cette phrase fréquemment. Peu importe la situation à laquelle nous sommes confrontés, nous avons tendance à envisager le scénario catastrophe. Pourtant, avec du recul et un peu de temps, il devient évident que la sortie de la difficulté, quelle qu’elle soit, est souvent moins complexe qu’elle ne le semblait initialement. Il suffit de changer de perspective, d’adopter un angle différent, voire de demander des conseils pour obtenir une autre vision du problème et de trouver la solution.

 

La qualité qui fait l’unanimité dans votre entourage ?

Si je devais identifier une qualité qui fait l’unanimité, ce serait le respect de la parole donnée. Cette approche peut sembler un brin traditionnel, mais c’est également mon leitmotiv. Lorsque je m’engage dans quelque chose, les syndicats le savent parfaitement, je leur assure toujours que si je m’exprime, c’est que je suis en mesure de le formaliser par écrit. Les relations sociales reposent sur la confiance, et celle-ci se bâtit sur le respect de la parole donnée. Il peut arriver que les syndicats me questionnent sur des sujets tels que les augmentations de salaire et leur impact. Dans ces cas, je leur communique clairement que je suis en pleine réflexion et que je n’ai pas encore de réponse à fournir. Étant donné qu’ils ont bien saisi mon mode de fonctionnement, ils savent pertinemment que si je leur fournis une réponse, celle-ci sera un « oui » ou un « non » franc et massif. 

 

Le personnage de fiction qui incarne le mieux la fonction RH ?

Je choisirais Indiana Jones pour illustrer cette situation. En tant que DRH, nous savons ce que nous laissons derrière nous sur notre bureau en fin de journée, mais nous ne pouvons jamais prévoir ce qui nous attend en ouvrant notre porte le lendemain matin. De plus, nous agissons souvent tels des archéologues, car pour comprendre la situation actuelle, il est impératif de remonter dans le passé, que ce soit en examinant des documents juridiques, des décisions antérieures, afin d’apporter un éclairage sur la situation ou de résoudre l’énigme qui se présente.

 

La différence entre un bon et un excellent décideur RH ?

Un conseil que je prodigue souvent à mes équipes et particulièrement aux jeunes est de ne pas viser la popularité à tout prix. De nos jours, il y a un certain nombre de professionnels des RH qui tentent d’éviter les tâches difficiles en adoptant une approche de politique RH qui se limite à partager uniquement de bonnes nouvelles. Ils supposent que cela les rendra plus affirmés et qu’ils seront perçus comme sympathiques, ce qui leur évitera des problèmes. Cependant, je considère que c’est une erreur. Je préconise plutôt de développer une politique sociale équilibrée et respectueuse des engagements pris envers les individus et de chercher à atteindre un équilibre stable dans la politique sociale avant de se préoccuper de son image personnelle.

 

Le collaborateur idéal ?

Je m’oriente vers ceux qui présentent des compétences complémentaires aux miennes. J’ai adopté la politique de ne pas embaucher des clones, car bien que travailler avec un clone puisse sembler simple et sans heurts, cela n’encourage pas le progrès. Je ne prétends pas être infaillible et reconnais que mes compétences en RH sont meilleures dans certains domaines que dans d’autres. C’est pourquoi il est essentiel que mes recrutements se concentrent sur des profils qui viennent me compléter. Toutefois, une loyauté infaillible est une condition sine qua non. Le collaborateur qui ne fait pas preuve de loyauté n’a pas sa place dans mon équipe.

 

Le DRH du futur selon vous ?

Un DRH doit être capable de parler le langage du monde des affaires et, plus précisément, le langage de l’entreprise, y compris celui de la finance. Il n’est pas acceptable pour un DRH de se cantonner à son propre jargon RH. Ce n’est pas aux acteurs internes tels que les salariés, les gestionnaires ou nos dirigeants de s’adapter à notre terminologie. Au contraire, c’est au DRH d’adopter le langage du business. 

C’est précisément là que l’Executive MBA se révèle être une boîte à outils précieuse. Bien qu’il ne nous transforme pas en experts, il nous éclaire sur les différentes fonctions de l’entreprise ainsi que sur les diverses problématiques. Lorsque vous engagez une conversation avec un responsable de la chaîne logistique (supply chain), par exemple, si vous n’avez pas déjà une compréhension préalable de ce domaine, vous ne pourrez pas suivre. Le DRH du futur doit, selon moi, impérativement saisir les nuances des multiples métiers qui composent l’entreprise.

 

 

Bio

  • 2021 à aujourd’hui : Directeur des Ressources Humaines chez Groupe ADP
  • 2018-2021 : Directeur des Ressources Humaines Groupe (COMEX Groupe) chez Soufflet Group
  • 2015-2018 : Directeur des Ressources Humaines Division (CODIR Division)
  • 2014-2015 : Directeur Financier et des Ressources Humaines chez ETERNIT – Etex Group
  • 2010-2013 : Directeur Juridique et des Ressources Humaines chez ETERNIT – Etex Group
  • 2007-2010 : Directeur des Ressources Humaines chez ETERNIT – Etex Group
  • 2007-2008 : Executive MBA – ESSEC Business School
  • 2001-2007 : Adjoint au Responsable des Ressources Humaines chez APAVE
  • 1996-2001 : Chargé d’Études Juridiques & Sociales chez Seita
  • 1995-1998 : Doctorat Droit Social à l’Université Paris 13
  • 1994-1995 : DESS Droit Social & Gestion des Ressources Humaines à l’Université Paris 13
  • 1993-1994 : DEA Droit des Affaires à l’Université Paris 13

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