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Comme le disait le sociologue Jean Pierre Le Goff, le management n’est pas uniquement technique : il nécessite aussi de savoir s’adapter, et surtout, de faire preuve de bon sens.

Face à un monde du travail qui évolue en permanence et de plus en plus vite, la capacité d’adaptation de la fonction managériale est particulièrement mise à l’épreuve. Les managers reçoivent en permanence des injonctions à “bien faire” et ont accès à une vaste offre de formation, d’ouvrages et de théories sur le marché du management et sur les réseaux sociaux. Il n’est pas toujours évident pour eux de s’y retrouver et de faire le tri. Au fond et si être manager ne nécessitait pas forcément des grandes théories, mais davantage de bon sens ?

Il n’y a jamais eu autant de préoccupations et d’injonctions en direction des managers, dont il est attendu qu’ils changent leurs pratiques pour s’adapter aux évolutions de la société et aux enjeux de l’entreprise, mais également aux besoins de chaque collaborateur. La crise récente du Covid, qui a poussé les organisations à développer le télétravail en un temps record, questionne un peu plus la façon de gérer au mieux les équipes, à l’ère du travail hybride (présentiel / distanciel).

Face à la profusion de théories et d’écrits sur le leadership d’aujourd’hui et de demain, comment s’y retrouver ? Le manager de 2022 est-il d’ailleurs si différent de celui de 2008 ou 2012 ? Qu’est ce qui doit présider à l’exercice de ce métier ?

Si nombre de chefs d’équipe naviguent à vue aujourd’hui, ils auraient parfois intérêt à se détacher de certaines théories ou techniques pour faire confiance à leur bon sens.

Mais qu’est-ce que le « bon sens » ? Suivant le Robert, il s’agit de la “capacité de bien juger, sans passion”. Appliqué au management, on peut le définir comme l’aptitude à analyser une situation en ajoutant au spectre de l’analyse cartésienne et des règles managériales définies par l’entreprise, sa connaissance du contexte, de la personnalité et des capacités des collaborateurs. Le tout dans l’optique de les accompagner au mieux. Autrement dit, tout l’enjeu pour les managers est de revenir aux fondamentaux de la gestion des Hommes, plutôt que de se perdre dans la technique, les effets de mode et les théories. Comme le disait le sociologue Jean Pierre Le Goff (1), le management n’est pas uniquement technique : il nécessite aussi de savoir s’adapter, et surtout, de faire preuve de bon sens.

 

Renouer avec les fondamentaux du management

À partir de ce postulat, questionnons-nous donc sur les bases du management.

Auparavant, devenir manager était la suite logique d’un parcours de carrière réussi. Exceller dans son domaine pouvait être un élément suffisant pour obtenir une promotion. Les experts étaient parfois propulsés sur cette fonction dans le cadre de leur évolution de carrière sans y être réellement préparés. Manager est depuis quelques années devenu un métier à part entière : il n’est pas nécessaire d’être un “sachant” ou un expert du métier de ses collaborateurs, et il ne s’agit pas de faire à leur place mais de guider pour la réussite d’objectifs définis.

Son rôle est d’abord de gérer des équipes, de les piloter et de les accompagner dans leur développement (fixer et évaluer les objectifs des collaborateurs, définir et mettre en place leur plan de développement, suivre les évolutions etc.). Mais le rôle du manager ne s’arrête pas là !

Un manager c’est aussi et surtout un humain qui en accompagne d’autres pour que le collectif et l’individuel progressent et restent engagés vers un cap donné. Il faut être capable de s’adapter à chaque personnalité et à une multitude de paramètres : sensibilités, contexte personnel, mode de fonctionnement de chaque collaborateur, afin que chacun se mette en ordre de marche et reste engagé.

Il est important de prendre le temps d’observer, d’échanger, d’écouter, donner et recevoir du feedback régulier (positifs comme négatifs) pour comprendre le niveau d’autonomie qu’il faut accorder, nourrir la relation manager/managé, favoriser la reconnaissance au travail et ainsi, accompagner au mieux  l’évolution individuelle du collaborateur.

Être manager c’est mettre en place toutes les actions qui permettent d’instaurer une relation humaine et de confiance entre deux individus, c’est là que se trouve le bon sens.

 

Faire confiance au bon sens et rester humble

Manager avec le bon sens, c’est écouter son intuition sur la conduite à tenir, c’est être capable de se remettre en question, mais sans se culpabiliser. C’est capitaliser sur les critiques ou remarques des autres (pairs, supérieurs, collaborateurs etc), accepter de faire des erreurs et réajuster. À vous, managers, de faire preuve d’humilité vis-à-vis de vous-même comme de votre équipe ; en reconnaissant que vous prenez parfois de mauvaises décisions, car vous restez un humain. Un humain qui a le droit de se tromper, dès lors qu’il essaie de faire de son mieux.

Enfin, le bon sens c’est aussi savoir faire un pas de côté par rapport à des schémas établis, si cela s’avère pertinent. Il s’agit tout simplement d’être capable d’adopter une vision différente, au-delà des théories et des processus existants.

 

Le bon sens ne va pas toujours de soi

 Il me semble essentiel de ne pas présumer que le rôle du manager est inné, et que le niveau de capacités pour l’être est identique d’un individu à l’autre.

La base du bon sens c’est de s’interroger et d’accepter la remise en question, mais le bon sens n’est pas forcément évident tout le temps, ni pour tous. Selon Descartes, « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont ».

Pour s’assurer de garder du bon sens dans la pratique managériale, tout au long de sa carrière, un chef d’équipe a lui aussi besoin d’être accompagné et d’échanger avec ses pairs sur ses pratiques, en considérant qu’il ne doit jamais cesser de progresser, d’apprendre et de se réinventer.

Dans cette optique, les RH ont un rôle crucial à jouer pour accompagner leurs personnels d’encadrement sur la voie du bon sens. Leur mission sera d’initier et d’aménager des temps d’échange entre pairs, dédiés au partage de bonnes pratiques et de retours d’expérience. Elle sera également de proposer des sessions de formations ou de coaching individualisées, en fonction des besoins et du niveau de maturité de chacun (3). Enfin, il peut être très constructif de mettre en place un système de feed-back 360, qui permettra aux managers d’explorer sa pratique managérial, l’image qu’il a de cette pratique versus celle des personnes avec lesquelles il travaille, d’identifier les points forts et axes d’amélioration, y associer des actions/ formations etc. Mais l’essentiel de l’apprentissage passe par l’expérience auprès des équipes.

Le manager de 2022, c’est finalement celui qui se remet en question, mais sans se laisser déborder par les multiples théories dont nous sommes abreuvés au détriment de l’intuition et des relations humaines. Le bon sens apparaît ici comme son meilleur atout pour faire grandir ses équipes et les emmener à la poursuite d’un objectif commun. Il est le guide qui lui permettra d’adopter la bonne posture, et de renouer avec l’essentiel de sa mission : piloter et accompagner des êtres humains. Au quotidien, ce bon sens prend tout simplement la forme de l’échange, de la bienveillance, de l’apprentissage et de l’humilité.

 

 

(1) « Les illusions du management – Pour le retour du bon sens », 1993.

(2) Discours de la méthode (1637), René Descartes.

(3) Formations et coaching ne devraient être dispensés qu’après avoir établi un certain nombre de constats sur des moments de faiblesse ou des zones d’inconfort à travailler, ainsi que sur des soft skills à améliorer.

Actualité Management