De profondes mutations attendent le secteur public, chaque jour apporte son lot de nouvelles réformes, le rythme s’accélère. Dans ce contexte de transformation, quel rôle peut et doit jouer la Direction des Ressources Humaines ? Les fonctionnaires sont-ils des collaborateurs comme les autres ? Éléments de réponse et premiers leviers à actionner pour engager le service public dans ses nouveaux défis.
Une réforme et de nombreuses questions
La future réforme territoriale est l’un des nombreux points d’interrogation entourant l’avenir du secteur public. Il s’ajoute aux projets de regroupements, de mutualisations, de fusions qui suscitent adhésion ou réserve des acteurs, que ce soit dans la fonction publique territoriale, nationale (d’Etat) ou hospitalière.
Quelle gestion RH adopter en vue des changements présents et à venir dans les différents services publics ? Si l’avenir reste encore flou, trois actions essentielles sont, selon moi, à mener dès à present.
Renforcer la marque employeur « secteur public »
Aujourd’hui, le secteur public compte 4,5 millions de fonctionnaires et plus d’un million de contractuels*. Les plans de non-remplacement longtemps brandis comme des étendards de la réforme ont masqué les besoins de compétences et de talents, tous les postes à pourvoir dans une fonction publique transformée ne trouvent pas aujourd’hui de candidats. Les fonctionnaires de demain, qui constitueront l’âme du nouveau service public, sont donc à identifier et recruter aujourd’hui.
Le moteur ne sera pas d’ordre salarial, le cadre propre au secteur public étant strict et surveillé dans le domaine, d’autres formes de valorisation sont donc à renforcer et mettre en avant, parmi lesquelles :
. Le sens et la valeur de la mission,
. La diversité des métiers (près de 700 recensés),
. La proximité avec les citoyens,
. Le développement des compétences,
. Les défis stimulants à relever dont celui de la digitalisation,
. La richesse des parcours professionnels dans des trajectoires diversifiées, compte tenu du caractère polymorphe de la sphère publique française,
. Etc.
La mise en avant de ces facteurs d’attractivité est nécessaire pour renforcer la notoriété et la réputation de ces postes, et donc susciter l’intérêt. Cette réaffirmation de l’identité employeur du secteur public est un levier efficace pour permettre aux futurs fonctionnaires d’aborder leur carrière avec confiance.
Adapter l’appareil de formation aux nouveaux enjeux
Susciter l’adhésion des fonctionnaires aux changements qui s’annoncent passe par une réforme en profondeur de l’appareil de formation initiale (concours, Ecoles du Service Public), comme continue.
Moderniser les formations devient essentiel pour mettre en œuvre des plans de formation répondant davantage au contexte, aux enjeux et aux évolutions des métiers et des compétences attendues.
Ce qui frappe aujourd’hui n’est pas le niveau moyen des équipes rencontrées dans la sphère publique, équivalent à la qualité moyenne observée dans la sphère privée, mais bien l’écart-type : les performances individuelles peuvent en effet être très disparates, et beaucoup moins homogènes. Cette observation se retrouve en particulier chez les cadres intermédiaires, parfois laissés au bord du sentier de la modernisation, et peu armés pour entraîner leurs équipes dans leur sillage.
La dimension managériale devient critique dans les organisations complexes, ce que sont devenus beaucoup d’acteurs publics. L’importance accordée au management dans les cursus de formation, initiale comme continue, doit croître et enrichir des programmes pédagogiques encore très orientés aujourd’hui sur les savoir-faire techniques ou réglementaires.
Par ailleurs, les Universités publiques sont en train de réussir leur mue, elles développent des programmes de formation continue, pour fortifier leurs ressources propres : pourquoi ne pas en faire des partenaires privilégiés des administrations publiques ?
Favoriser, stimuler et accompagner (enfin) la mobilité
Pour une meilleure allocation des compétences et une revitalisation régulière des structures, tout doit être mis en œuvre pour encourager et faciliter la mobilité des fonctionnaires. Cette mobilité est pluridirectionnelle :
. La mobilité géographique existe depuis plusieurs années. Pourtant, le principe de mutabilité du fonctionnaire a été perdu de vue, il doit être réhabilité, mais également très accompagné pour être effectif.
. La mobilité fonctionnelle doit devenir systématique si on décloisonne les trois fonctions publiques (porosité accrue). Un cadre de CHU doit pouvoir simplement poursuivre sa carrière en administration centrale, avant de rejoindre un opérateur culturel, qui le conduira enfin à la direction générale d’une collectivité locale fusionnée. Un fonctionnaire en début de carrière doit avoir en tête ce type de parcours, et cet espace professionnel élargi.
. Enfin, le dernier enjeu de mobilité dans le secteur public réside tout simplement dans la mixité expérience publique-expérience privée. Aujourd’hui, les fonctionnaires peuvent travailler dix ans au maximum dans le secteur privé, un seuil qui, une fois atteint, impose de faire un choix définitif. Adoucir cette restriction permettrait de faciliter les allers-retours entre les deux secteurs, pour le plus grand bien des fonctionnaires comme des salariés de la sphère privée tentée de mieux comprendre la sphère publique.
Une gestion intelligente et prédictive des carrières peut donc être un facteur d’adhésion déterminant des agents publics aux futures mutations, devenues obligatoires.
Développer l’attractivité, réformer les formations, stimuler la mobilité sont trois défis d’ampleur qui mobiliseront les DRH publics et leur tête de réseau (la DGAFP). Avec des DRH au cœur de la réforme et en mouvement, le secteur public réussira en douceur et sans heurts une mue salutaire, l’agent passant avec succès du statut de « masse salariale » à celui de « capital humain ».
*Source : Insee