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point d'interrogation

Depuis le 17 mars, la France s’est engagée activement comme d’autres pays, dans la lutte contre le Covid-19. Inédite, d’ampleur et soudaine, la réponse à cette crise sanitaire l’est tout autant.

Depuis cinq semaines donc, l’Etat a dû aussi adapter ses propres modes de fonctionnement pour assumer son rôle de « monopôle du confinement légitime ». Dans une perspective du déconfinement « par étapes » fixé par le Gouvernement et que tout le monde espère le plus vite possible, il n’est pas question dans cet article d’écrire des scenarii relatifs aux conditions et aux modalités de gestion de l’épidémie.

Il s’agit ici davantage d’anticiper avec et dans quel Etat nous allons évoluer.

 

Quels défis prioritaires à relever pour les acteurs publics ?

La crise actuelle met clairement en exergue la complexité des politiques publiques. Celle-ci se caractérise par un grand nombre d’acteurs publics et privés mobilisés à chaque étape clé de la chaine dans sa conception, sa mise en œuvre et son évaluation. Or, dans un contexte de tension extrême, il est encore plus crucial pour les décideurs publics d’être connectés en permanence au réel et pour les acteurs de terrain de disposer de toutes les formes de soutien possibles dans l’exécution des politiques publiques. Le contexte actuel confirme six défis majeurs à relever pour les acteurs publics :

  1. Créer les conditions pour décider en temps réel et en toute connaissance de cause, en réduisant au maximum les coûts de coordination et en étant « économes » dans les indicateurs à renseigner par les acteurs locaux.
  2. Pacifier et réguler la « concurrence d’influence » dans les décisions prises entre les différents acteurs publics au niveau ministériel.
  3. Maîtriser l’impact, l’accélération et la simplification de la production normative avec une meilleure prise en compte des conditions de mise en œuvre.
  4. Faire pivoter l’ensemble des acteurs publics vers l’exigence de résultats en créant toutes les conditions pour faire changer durablement les pratiques et les comportements au quotidien et ce dans un délai rapide.
  5. Expliciter clairement la responsabilité de chaque acteur public dans la politique publique (passer d’une logique du « qui fait quoi » à une logique du « qui est garant de quoi ») et lier les acteurs au travers d’engagements réciproques et de critères de réussite individuelles et communes (« j’aurai / nous aurons réussi si… »).
  6. Renouveler les stratégies d’actions de promotion et de valorisation des actions menées et des résultats atteints auprès du grand public à l’heure de l’information en continue et des réseaux sociaux.

La crise donne aussi aux acteurs publics une opportunité pour (ré-)affirmer aux yeux de tous leurs offres de valeur et leurs compétences. Certaines organisations publiques ont réussi à démontrer leur capacité à reprioriser rapidement leurs actions à caractère « vital » ou « stratégique » pour assurer la continuité de service public. Ainsi elles ont fait le choix assumé de concentrer leurs efforts et leurs savoir-faire en ce sens, comme par exemple sur la politique de l’eau et de l’assainissement.

D’autres acteurs, pourtant la cible d’une réduction drastique des dotations publiques, se sont révélés comme interlocuteurs clés pour les autorités de l’Etat dans les opérations de soutien aux entreprises dans les territoires. C’est le cas de certaines CCI par exemple qui, en s’appuyant sur leurs actifs propres et leur caractère « hybride public/privé », ont réussi à cibler leurs offres de services et leurs propositions d’accompagnement vers les nouveaux besoins de leurs entreprises ressortissantes (accès aux dispositifs gouvernementaux ou nouvelles procédures dans la gestion des formalités d’entreprise).

A travers ces deux exemples, l’Etat devra donc repenser ses choix stratégiques concernant la recomposition de l’écosystème public en s’appuyant sur les acteurs qui ont su réagir et agir efficacement et ceux qui se sont révélés particulièrement indispensables dans l’action des politiques publiques majeures.   

 

Une dynamique de transformation toujours à l’œuvre ?

L’Etat dans ces premières semaines de confinement s’est retrouvé confronté aux mêmes difficultés qu’un grand nombre d’entreprises : le travail à distance, la mise en œuvre du plan de continuité d’activité (PCA), l’accompagnement de ses agents… Par ailleurs engagé depuis de nombreux mois dans des démarches de transformation permanente, l’Etat se distingue aujourd’hui par l’accélération de sa maturité digitale et la confirmation de l’évolution nécessaire de son collectif managérial.

Commençons d’abord par la digitalisation de l’Etat. Beaucoup d’initiatives et aussi de concrétisations depuis plusieurs années, certaines érigées en « totems » plus récemment comme le PAS (prélèvement à la source). En revanche, au niveau de ses modes de fonctionnement internes tous les agents publics n’étaient pas des utilisateurs réguliers des solutions digitales pour communiquer et travailler à distance. La crise a clairement eu un effet d’externalité positive pour imposer et démocratiser ces outils collaboratifs dans les usages quotidiens, devenant ainsi sans nul doute de nouveaux standards dans les modes de fonctionnement. Vers l’externe aussi l’Etat a développé un réflexe digital dans ses relations avec ses usagers comme par exemple l’attestation obligatoire pour les déplacements.

Autre pilier de la transformation publique, les managers se retrouvent en première ligne dans cette gestion de crise avec un cadre et des leviers d’actions profondément perturbés. La généralisation du management à distance, l’augmentation de la fréquence des nouveaux rituels de management, la responsabilisation et la délégation augmentées ou bien encore la prévention en matière de RPS vis-à-vis de leurs troupes sont autant de facteurs qui appuient la transformation managériale vers les « leaders publics » (https://www.convictionsrh.com/fr/news/lancement-etude-leadership-fonction-publique/). Certains d’entre eux en revanche pourront se retrouver en difficultés face à ces changements très rapides de pratiques et de savoir-faire, sans forcément la possibilité d’être accompagné de manière individualisée dans cette période.

L’Etat à la sortie du confinement devra prendre conscience de toutes ses évolutions et devra mettre à jour de manière lucide son projet de transformation au regard de ce nouveau « point de départ ». Toutes ces évolutions peuvent en revanche s’avérer clivantes au sein des équipes entre celles et ceux qui auront su s’approprier ces nouvelles méthodes de travail et les autres…

 

Quels engagements prendre pour l’expérience « agents » dans les administrations dans ce contexte ?

Préoccupation encore émergente au sein des DRH des acteurs publics, la question de l’expérience agent se pose déjà clairement aujourd’hui avec une acuité particulière. Nous savons que l’attachement aux valeurs du service public reste l’un des marqueurs significatifs des agents publics et un des liens forts qu’ils entretiennent avec leur administration. Or, les agents sont et seront encore plus vigilants sur les actions menées dans cette période en matière de sens, de réalisation concrète, d’attention portée à leur égard. La période de confinement telle que nous la visons aujourd’hui nécessite en effet de maintenir un lien social entre les équipes compte tenu des conséquences sur les situations professionnelles et personnelles au quotidien. Cela interroge par conséquent les engagements qui seront pris par les administrations dans la période de crise mais aussi et surtout après car beaucoup d’attentes s’expriment déjà sur le thème de la reconnaissance par exemple.

Clairement les DRH sont très mobilisés pour être en soutien de tous les agents. Les équipes RH elles-mêmes devant adapter leurs modes de fonctionnement et leur offre de services auprès de leurs usagers internes. Après avoir sécurisé les fondamentaux RH en matière de paie et des conditions de travail, elles devront continuer à être en contact permanent avec les troupes pour les aider à traverser cette zone de turbulences forte et incertaine en terme psychologique. Elles devront démontrer leur capacité à les accompagner à distance pendant le confinement mais aussi à faciliter la réintégration collective pendant le déconfinement en gérant les situations individuelles que l’on imagine déjà très difficiles pour celles et ceux touchés directement ou indirectement par la maladie.

Jamais le concept de « symétrie des attentions » n’aura pris autant son sens pour les défis de l’Etat dans cette période : protecteur vis-à-vis des citoyens ou des entreprises, il doit garantir la même chose vis-à-vis de ses agents tout en garantissant les activités de service public.