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Compte pénibilité 2015, le tour de chauffe-convictionsrh

« Usine à gaz », « inapplicable », « frein à la compétitivité » : dès l’annonce de sa création, le compte personnel de prévention de la pénibilité a provoqué, du Medef aux petits entrepreneurs, une véritable bronca patronale. Entrée en vigueur le 1er janvier 2015, la mesure permet aux salariés exposés à certains facteurs de pénibilité de bénéficier de formations, d’une réduction de temps de travail ou d’un départ anticipé à la retraite. Certes, le gouvernement a opté pour une mise en place progressive pour calmer la grogne des dirigeants. Reste que certaines entreprises doivent dès maintenant franchir le pas et se mettre en conformité avec la loi. Quels sont les salariés concernés ? Quelles sont aujourd’hui les obligations pour les DRH ? Synthèse.

 

Compte pénibilité, une mise en place délicate

Rarement une loi aura autant fait couler d’encre, dans le monde de l’entreprise, que ce fameux « compte pénibilité ». Pourtant, le concept de pénibilité existait déjà dans le cadre de la loi de 2010, qui reliait celui-ci à un état d’invalidité ou à une incapacité. Dix facteurs de pénibilité tels que le bruit, les risques chimiques ou le travail répétitif avaient alors été identifiés. La grande différence avec la situation actuelle est que le législateur laissait le soin aux entreprises de déterminer les seuils à partir desquels un emploi pouvait être reconnu comme pénible. En fixant lesdits seuils par voie réglementaire, la loi de 2013 a changé la donne. Qu’elles contestent ou non le dispositif, les entreprises n’ont plus d’autre choix que de traiter frontalement la question.

 

Qui est concerné dès à présent ?

Réservée aux salariés du secteur privé, la mesure profitera, selon les estimations du gouvernement, à près d’un million de salariés dès 2015 (3 millions en 2016). Une étude de la Dares (ministère du Travail) fondée sur des seuils « peu contraignants » différents de ceux retenus pour le compte estime que plus de 8 millions de salariés (40%) ont été exposés à au moins un facteur de pénibilité en 2010.

Selon cette enquête les salariés les plus exposés sont :
. Les ouvriers (70%),
. Les employés de commerce et de service (48%).

On notera que seuls 12% chez des cadres sont concernés.Quant aux secteurs les plus impactés en pourcentage de salariés concernés, ils sont dans l’ordre :
. La construction (66% de salariés exposés),
. L’industrie manufacturière (56%),
. L’agriculture (52%),
. La santé (42%).

Que les salariés travaillent en CDD, en CDI ou en intérim, ils vont se voir attribuer une fiche individuelle d’exposition à la pénibilité en fonction d’une évaluation effectuée par l’entreprise. Celle-ci leur permettra de cumuler un certain nombre de points :
. 4 par an en cas d’exposition à un facteur,
. 8 par an en cas d’exposition à deux facteurs ou plus.

Les facteurs qui doivent être mesurés et déclarés dès cette année sont :
. Le travail de nuit,
. Le travail en équipe,
. Le travail répétitif,
. Le travail en milieu hyperbare (effectué dans une enceinte où la pression est supérieure à la pression atmosphérique).

Plafonnés à 100, les points cumulés doivent servir pour les 20 premiers à financer une formation débouchant sur un emploi moins pénible (sauf pour les seniors). Les 80 points restants permettent de demander à l’employeur un temps partiel rémunéré comme un temps plein, ou d’anticiper dans la limite de deux ans un départ à la retraite.

 

Démarrage en douceur et simplification

Parvenir à convaincre les salariés de choisir la formation plutôt qu’un départ en retraite anticipée s’annonce comme l’un des grands enjeux de 2025 pour de nombreux DRH.

Les réactions du patronat, conjuguées à l’action d’associations de professionnels directement concernés par la mesure comme les éditeurs de logiciels, ont conduit le gouvernement à n’imposer que les 4 critères cités plus haut pour 2015. Insuffisant cependant, la réduction du nombre de facteurs ne diminuant pas proportionnellement la complexité de mise en œuvre. La preuve en est la décision par le premier ministre, le 8 janvier 2015, de confier au député Christophe Sirugue et au chef d’entreprise Gérard Huot une mission pour « simplifier et sécuriser » le dispositif.  Cette mission ne livrera ses propositions qu’en juin, mais l’on sait au moins qu’elles porteront sur des « appréciations plus collectives des situations de pénibilité, moins individualisées mais plus simples à suivre pour les entreprises ».

Cette dernière intention ne peut que sembler louable aux dirigeants et DRH, si ce n’est que ces derniers doivent malgré tout mettre en place dès maintenant une mesure complexe susceptible d’évoluer en juin. Comme souvent en France, l’imprévisibilité récurrente de l’évolution du réglementaire représente une difficulté aussi grande, voire davantage, que la nouvelle mesure elle-même. L’impact en termes d’organisation RH, de processus de gestion ou d’actualisation du SIRH de la mise en œuvre d’un dispositif du type compte pénibilité est important : il est incompréhensible qu’entreprises et experts ne soient pas consultés beaucoup plus en amont de l’annonce de telles réformes.

Promoteur d’un « choc de simplification » au profit des entreprises pour favoriser l’emploi, le gouvernement a bien saisi, dans ce contexte, le caractère rebutant du compte pénibilité qu’il a initié. Conscient de la complexité du dispositif, Manuel Valls n’a pas manqué de souligner récemment que « pour l’heure, aucune obligation déclarative n’est à accomplir avant janvier 2016 ». Une échéance qui sera également, rappelons-le, celle de l’entrée en vigueur des six autres facteurs prévus dans la mesure : gestes et postures, bruit, port de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques et températures extrêmes. On ne peut que conseiller aux DRH de s’y préparer dès maintenant, sous peine de vivre un début d’année 2016 résolument… pénible.